Commémoration de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy

Gustavia - Saint Barthélemy

9 octobre (1847)

Le « 9 octobre » ? Une date semble t-il ambiguë s'agissant du « devoir/travail de mémoire » relatif à l'esclavage des Nègres : toutes les collectivités françaises d'outre-mer directement concernées se sont vues attribuer, par la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 (modifiée par l'article 4 de la loi n°2001-434 du 21 mai 2001) et son décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 rattaché, une date spécifique de commémoration de l'abolition de l'esclavage en tout point fidèle aux événements historiques respectifs; Toutes... sauf une : l'île de Saint-Barthélemy. Et jusqu'en France métropolitaine une date de commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage fut fixée, au 10 mai, par le décret n° 2006-388 du 31 mars 2006.

C'est la Suède qui, en 1847, a définitivement aboli l'esclavage à Saint-Barthélemy, cette colonie redevenue française en 1878, et dont la population est aujourd'hui majoritairement d'origine européenne. Mais si Saint-Barthélemy commémorait l'abolition de l'esclavage le 27 mai, en tant que commune du département Guadeloupe, Saint-Barthélemy n'est plus une commune de la Guadeloupe depuis le 15 juillet 2007 : le décret 83-1003 ne s'y applique plus, ni à l'île voisine de Saint-Martin d'ailleurs, et Saint-Barthélemy n'a donc plus officiellement de date attribuée pour commémoration de l'abolition de l'esclavage. L'histoire de la traite négrière et de l'esclavage dans cette île des Petites Antilles est pourtant bien loin d'être secondaire, ses archives ayant démontré tout au contraire qu'elle revêtait un caractère insoupçonné.

Une "problématique" double en réalité, car depuis que nous sommes entrés dans le 21ème siècle rares sont les années où le sujet n'est pas évoqué au sein du parlement suédois : pas moins de 10 motions déposées ces 11 dernières années, dont trois précisemment proposant de faire du « 9 octobre » en Suède une «

Nationell dag till minne av slaveriets avskaffande », une journée nationale de mémoire de l'abolition de l'esclavage :

La plupart de ces motions visant surtout à ce que la Suède reconnaisse officiellement son implication dans la traite négrière et l'esclavage, et à ce qu'une place appropriée leur soit accordée dans les ouvrages scolaires et l'éducation en général.
La « Kommittédirektiv » Dir.2007:114 émise à l'occasion du bicentenaire de l'abolition de la traite négrière par l'Angleterre (1807-2007) constitua une première démarche officielle; Une conférence fut ensuite organisée le 9 octobre 2007 pour le 160ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy, dans la "Gamla stan - vieille ville" de la capitale suédoise en présence du ministre de l'intégration et de l'égalité des sexes, Mme Nyamko Sabuni. Plusieurs manifestations ayant de nouveau été programmées le 9 octobre 2008 à Stockholm pour marquer l'événement, avec pour l'occasion un dossier pédagogique (Slaveri då och nu / Esclavage d'hier et d'aujourd'hui) mis en ligne, entre autres, sur le site internet de la « Delegationen för mänskliga rättigheter i Sverige [Delegation for Human Rights in Sweden - Délégation pour les Droits de l'Homme en Suède] » : une entité temporairement mise sur pied par le gouvernement suédois.

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Une demande au gouvernement

C'est en octobre 2007 également qu'un premier courrier fut adressé simultanément à l'attention du président de la Collectivité de Saint-Barthélemy et du député de la 4ème circonscription de la Guadeloupe (dont dépend Saint-Barthélemy jusqu'aux élections législatives de juin 2012), demandant l'inscription de la date du 9 octobre pour la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage dans la collectivité territoriale fraîchement créée : un courrier qui restera sans réponses.
Une « pétition des électeurs » fut alors proposée, à partir du mois de septembre 2008, aux électrices et électeurs de Saint-Barthélemy; pétition largement relayée par divers moyens et divers médias et dont l'objet était de saisir le Conseil Territorial en vue d'une délibération visant à adresser une demande officielle au Gouvernement français. En application de l'Article LO6231-1 de la loi ayant doté Saint-Barthélemy de l'autonomie, il "suffit" en effet d'environ 250 signatures pour que le président du conseil territorial fasse rapport à la plus prochaine session du dit conseil, d'une pétition préalablement jugée recevable par le conseil exécutif...
Devant le peu de réactivité manifestée par la population locale, le Comité de Liaison et d'Application des Sources Historiques adressa alors directement au Secrétariat d'État chargé de l'Outre-Mer, en novembre 2008, une « demande au gouvernement en vue de fixer la date du 9 octobre pour date officielle de commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage dans la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy » (renouvelée dès l'ouverture des États Généraux de l'Outre-Mer), toujours sans réponse aucune.
Le 22 novembre 2008, petite saute d'hummeur, by any means necessary : le Comité de Liaison et d'Application des Sources Historiques dépose à la sauvette le nom de domaine Voyageoutremer.com et envoie ainsi tout de go le Secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer Yves Jégo sur sa pétition...
En avril 2009, la même demande fut réitérée à l'attention du Premier Ministre, rappelant qu'à l'approche du 10 mai 2008, il avait été émis une circulaire [circulaire du 29 avril 2008 relative aux commémorations de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions] stipulant qu' " il serait contraire à l'esprit de la loi du 21 mai 2001 d'ignorer les autres dates commémoratives, dont les champs géographiques et les thématiques sont très variés ", et faisant par là même du 23 mai une nouvelle date de commémoration...
C'est ensuite le Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage qui fut saisi, dans la foulée de la publication du décret n° 2009-506 du 6 mai 2009 puis du décret du 8 mai 2009 portant nomination de ses membres : par les mots de sa présidente, Mme Françoise Vergès, la demande serait présentée aux membres du CPMHE,

qui seraient pour sûr d'accord de la soutenir à leur prochaine réunion...

Mr Franck Robine, préfet, chef de Cabinet du Premier Ministre, informait quelques jours plus tard que Monsieur François Fillon avait bien reçu le courrier du 16 avril 2009 relatif à la commémoration de l'abolition de l'esclavage dans la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, avait pris note de cette démarche et qu'il avait été chargé de transmettre cette correspondance à Monsieur Yves Jégo, Secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, en lui demandant de l'examiner avec toute l'attention qu'elle requérait... Quelques heures plus tard, Mr Frédéric Lazorthes, historien de formation, chargé de mission auprès du délégué général à l'Outre-mer, Secrétaire Général du Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, informait que le Secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer l'avait saisi de cette requête concernant le 9 octobre : « cette requête sera prise en considération par le comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage lors d'une prochaine réunion de ses membres, le CPMHE pourra, le cas échéant, émettre un avis, mais que la date de commémoration dans les territoires d'outre-mer concernées par la loi 83-550 du 30 juin 1983, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion et Mayotte, où elle est un jour férié (à la différence du 10 mai en métropole) ne saurait faire l'objet d'un décret qu'après une demande formelle en ce sens de la collectivité de Saint-Barthélemy. Il n'est en effet pas du ressort du gouvernement d'imposer une date déterminée de commémoration de l'abolition de l'esclavage à la collectivité de Saint-Barthélemy, d'autant moins que cette commémoration y est déjà respectée »...

Voilà un tout qui laisse quelque peu perplexe... Et par dessus ce tout, il paraît légitime de se demander en quoi la commémoration de l'abolition de l'esclavage dans la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy serait-elle ainsi respectée ? Il n'existe plus aucun texte de loi qui fixe cette commémoration à Saint-Barthélemy; et quand bien même certaines institutions sur place maintiendraient néanmoins fériée la date du 27 mai dans leur calendrier, ce n'est qu'en raison de leur rattachement direct à la Guadeloupe, ainsi, à titre d'exemples, le Collège Mireille Choisy dépendant de l'académie de la Guadeloupe ou les banques dont la direction générale se trouve en Guadeloupe. Il ne faudrait pas confondre pour autant : «commémoration de l'abolition de l'esclavage»... à Saint-Barthélemy, et, commémoration de... «l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy».

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Une délibération adoptée à l'unanimité des élus de la collectivité de Saint-Barthélemy

Entre temps, à Saint-Barthélemy, le conseiller exécutif Maxime Desouches (ACTION - EQUILIBRE - TRANSPARENCE) avait obtenu, dès la fin janvier 2009, que sa proposition de faire du 15 Juillet une date commémorative du passage de Saint-Barthélemy du statut de commune à celui de collectivité régie par l'article 74 de la constitution, soit débattue en réunion du Conseil Territorial... et de même, pour faire bonne mesure, la demande consistant à faire du 9 Octobre la date officielle de commémoration de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy; ces deux points devant en principe être inscrits à la "prochaine" réunion du Conseil Territorial : quatre réunions plus tard, voici donc le point 8 de l'ordre du jour de la séance ordinaire convoquée le 12 juin 2009, entre point 7 « jour férié local » et point 9 « transfert du monument aux morts » :

Fixation de la date de Commémoration de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy. Lire le Compte rendu intégral de la discussion du point 8 de la Séance ordinaire du Conseil Territorial de Saint-Barthélemy, Gustavia le 12 juin 2009

La délibération 2009-044 CT a été doublement transmise au Représentant de l'Etat, le 23 puis le 26 juin 2009 après correction d'une erreur matérielle, et vise donc à « solliciter du

la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 (modifiée par l'article 4 de la loi n°2001-434 du 21 mai 2001) avait trait à l'abolition de l'esclavage par la République française, ce qui n'est pas le cas de Saint-Barthélemy où l'esclavage a été aboli par la Suède... de quoi sensibiliser le parlement suédois ? La loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité fait après tout une large place à l'Europe.

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Et le 9 octobre devint officiellement jour férié dans l'île antillaise de Saint-Barthélemy...

Le 23 septembre 2009, Mr Frédéric Lazorthes, Secrétaire Général du Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, informait : « (...) Les questions juridiques que vous avez soulevées sont étudiées par les services du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et nous vous apporterons les réponses dès que nous les aurons. (...) Nous ne manquerons pas de vous informer dès que nous aurons davantage d'éléments sur ce dossier. »...
Plus de deux ans plus tard, suite à la « lettre de saisine du Conseil Territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy pour avis, par le Préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, reçue le 6 septembre 2011 » s'agissant d'un « projet modifiant le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l'abolition de l'esclavage », le Conseil Exécutif de la Collectivité

de Saint-Barthélemy, décidait, en réunion du 6 octobre 2011, de :
- donner un avis favorable sur le projet modifiant le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l'abolition de l'esclavage.
- suggérer que la mention du Conseil Territorial de la Collectivité d'Outre-Mer de Saint-Barthélemy n° 2009-044 CT du 12 juin 2009, soit inscrite dans le dispositif de visa du décret.
Cette délibération 2011-819 CE « Avis du Conseil Territorial sur le projet modifiant le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l'abolition de l'esclavage » sera transmise au Représentant de l'État le 18 octobre 2011.
Par décret n°2012-553 du 23 avril 2012 modifiant le décret n°83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l'abolition de l'esclavage, publié dans le Journal Officiel de la République Française n°0098 du 25 avril 2012, page 7373, texte n°39...

Lire aussi : l'abolition de l'esclavage à Saint-Martin

Bibliographie (abolition de l'esclavage & Saint-Barthélemy)

  • 2008. [Fr] COMITÉ DE LIAISON ET D'APPLICATION DES SOURCES HISTORIQUES. Histoire de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy, île de Nantes.
  • 2007. [Sv] SCHIBBYE, Martin. Svensk handel med slavar 1784-1847 - Varför infördes och avskaffades slaveriet på den svenska kolonin S:t Barthélemy [Le commerce suédois d'esclaves, 1784-1847 - Pourquoi l'esclavage a t-il été introduit et aboli dans la colonie suédoise de Saint-Barthélemy], Stockholms universitet, Ekonomisk-Historiska institutionen, Magisteruppsats [Mémoire de maîtrise], 88 p. Édition en ligne.
  • 1996. [Sv] BARCK, Mårten et Tobias BORGSTRÖM. Redaktör Bergstedts dilemma. En studie av abolitionism och anti-abolitionism i The Report of Saint-Bartholomew 1804-05 [Le dilemne de l'éditeur Bergstedt. Une étude sur l'abolitionisme et l'anti-abolitionisme dans The Report of Saint-Bartholomew 1804-05], Stockholms universitet, B-uppsats i journalistik [Essai en journalisme], 76 p.
  • 1994. [Sv] BORGSTRÖM, Tobias. Angående avskaffandet av slaveriet på S:t Barthélemy. Analysis av en svensk riksdagdebatt [À propos de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy. Analyse d'un débat parlementaire suédois], Stockholms universitet, Uppsats i statsvetenskap [Essai en sciences politique], 32 p.
  • 1993. [En] MAYER, Francine M. et Carolyn E. FICK. « Before and After Emancipation : Slaves and Free Colored of Saint Barthélemy (French West Indies), in the 19th Century [Avant et après l'Emancipation : esclaves et libres de couleur de Saint-Barthélemy (Antilles françaises), au XIXe siècle] » dans Scandinavian Journal of History, Jyväskylä (Finlande), vol. 18, no 4, p. 251-274.
  • 1992. [En] MAYER, Francine M. et Carolyn E. FICK. « Slavery, Slave Emancipation and Social Reorganization in Nineteenth-Century Saint-Barthélemy, French West Indies [Esclavage, émancipation et réorganisation sociale au XIXe siècle à Saint-Barthélemy, Antilles françaises] » dans Le Peuplement des Amériques, Veracruz, Actes du congrès de l'Union internationale pour l'étude scientifique de la population (UIESP), vol. 1, p. 233-259.
  • 1987. [Fr] GONTHIER, Denis. Abolition de l'esclavage et transformation des ménages de la population rurale de couleur, Île antillaise de Saint-Barthélemy, de 1840 à 1857, Montréal, Université de Montréal, mémoire de maîtrise co-dirigé par Yolande Lavoie et Francine MAYER, 127 p.
  • 1847 (livraison du 10 janvier). [Fr] SCHŒLCHER, Victor. « Abolition de l'esclavage dans l'île suédoise de Saint-Barthélemy » dans Extrait de la revue indépendante, Paris, quatrième édition, Imprimerie Schneider et Langrand, p. 11-15.
  • 1843. [Sv] ALEXANDER, George William, et Benjamin Barron WIFFEN. Tankar om nödvändigheten och pligten af slaveriets omedelbara avskaffande på ön S:t Barthelemy [Pensées sur la nécessité et l'obligation morale de l'abolition immédiate de l'esclavage sur l'île de Saint-Barthélemy], Stockholm, L.J. Hjerta.

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