Extraits des Annales maritimes et coloniales (1843)

p. 540-543 ANNALES MARITIMES. PARTIE NON OFFICIELLE.

II. ILES SUÉDOISES DE SAINT-BARTHÉLEMY.

Le 3o mai 1841, la diète suédoise a présenté au Roi une adresse tendant à ce qu'il plaise à Sa Majesté d'ordonner une enquête sur les moyens d'abolir l'esclavage dans l'île de Saint-Barthélémy, et de prendre telles mesures qu'elle jugera convenables pour préparer la réalisation de cette importante réforme. Le Roi a communiqué cette adresse au colonel Hansum [Haasum], gouverneur de la colonie, avec ordre de fournir tous les renseignements relatifs au nombre des esclaves de Saint-Barthélémy, à leur condition et a la manière dont ils sont traités, a la somme qui serait nécessaire pour le rachat de leur liberté, aux dispositions des habitants à cet égard, et enfin à l'influence que l'émancipation des noirs pourrait exercer sur le commerce et la culture de la colonie.

La réponse du gouverneur a été soumise à Sa Majesté, le 3o juillet suivant. Le colonel Hansum [Haasum] dit que les esclaves sont traités avec toute la douceur et toute l'indulgence possible; que leur condition matérielle eut pareille à celle des ouvriers libres et des domestiques en Europe. Cependant l'esclavage, entraîne une certaine dégradation morale dont les noirs de Saint-Barthélemy ne sont pas exempts, et qui se manifeste spécialement par la rareté des unions légitimes. Les esclaves vivent presque tous en état de concubinage. Ils n'ont d'ailleurs aucun droit sut leurs enfants; ceux-ci appartiennent au maître. La morale aussi bien que l'humanité exigeraient donc que l'esclavage fût aboli a Saint-Barthélémy. Pour y parvenir, il faudrait indemniser les planteurs. Cette indemnité serait d'autant plus nécessaire, que, d'après les termes de la cession de la colonie par la France, les habitants doivent continuer à jouir de tous les privilèges qu'ils ont possédés jusque-là. Le nombre des esclaves à racheter est de 595. Leur émancipation pourrait être opérée au prix de 506,875 francs.

En attendant, le colonel Hansum [Haasum] propose une série de règlements pour améliorer leur condition, conformément aux instructions de Sa Majesté.

Le 30 juillet 1842, le Roi a ordonné que le rapport du gouverneur de Saint-Barthélémy et son plan d'émancipation seraient présentés aux États du royaume à leur prochaine assemblée. Sa Majesté a décidé en même temps que les règlements proposés pour l'amélioration de la condition des esclaves seraient immédiatement adoptés, et mis en vigueur dans la colonie.

C'est le moment d'agir sur les membres des États de Suède, et de préparer les esprits à l'adoption d'une mesure généreuse; aussi la Société abolitioniste déploie-t-elle, en cette occasion, son activité ordinaire. Elle s'empresse d'intervenir dans la question, et tout en démontrant aux Suédois que l'abolition de l'esclavage est un devoir, elle cherche à leur prouver qu'elle serait en même temps un profit. « L'île de Saint-Barthélémy, dit-elle, a été longtemps dans un état d'infériorité commerciale. Quelques personnes attribuent cette infériorité à la mauvaise qualité de ses produits d'exportation. Quant à nous, nous n'hésitons pas à l'attribuer à l'esclavage, qui exerce une influence malfaisante sur la moralité et l'industrie des habitans. Nous reconnaissons que l'abolition immédiate de l'esclavage à Saint-Barthélémy peut présenter quelques difficultés, résultant de la nécessité d'indemniser les planteurs. Mais nous ne pensons pas qu'il puisse s'élever de réclamations fondées sur les pertes que l'émancipation ferait subir au commerce et à l'agriculture. L'expérience prouve que cette grande mesure n'entraîne aucun dommage. On trouvera toujours le travailleur rural disposé à louer set services pour un prix modéré, et qui s'excédera pas la dépense actuelle de l'entretien d'un esclave et de sa famille. Le revenu des habitations ne sera donc pas diminué par l'affranchisssement des noirs.

«Il n'est qu'une classe de possesseurs d'esclaves à qui l’émancipation puisse occasionner de grosses pertes. Cette classe est celle des maîtres qui n'emploient pas les esclaves pour leur compte, mais qui font métier de louer leurs services, et qui tirent un bénéfice de l'excédant du prix de cette location sur le prix de l'entretien et de la nourriture. Nous prierons le Roi d'avoir égard a leur situation. Mais tontes les pertes réelles ou imaginaires qui pourraient résulter de l'abolition de l'esclavage ne doivent point avoir pour effet de retarder d'un seul instant la réparation de cette grande injustice. Le droit qu'ont les noirs de recouvrer leur liberté est un droit trop sacré pour entrer en comparaison avec les réclamations que pourraient élever les usurpateurs d'un pouvoir injuste.

«Du reste, les progrès commerciaux qui résulteraient certainement de l'émancipation s'accroîtraient naturellement avec le temps et par la force des choses. Saint-Barthélemy verrait se multiplier sa population, qui croîtrait en intelligence et en moralité, et qui lui donnerait toute la prospérité dont elle est susceptible. »

La Société abolitioniste ne s'est pas bornée à publier ces réflexions. Elles ont été écrites à Stockholm même par deux de ses émissaires, qui les ont déposées dans les mains des ministres du Roi de Suède. MM. G.W. Alexander et Benjamin Wiffen avaient reçu à cet effet mission spéciale de la société. Chemin faisant, ils ont touché à Copenhague, et n'ont pas négligé cette occasion de réclamer l'abolition de l’esclavage dans les colonies danoises. Voici, quant à ce dernier pays, l'état de la question.

Source : 1843. [Fr] ANONYME. « N°19. Esclavage. - Traite des Noirs. - Émancipation. - Revue d'octobre 1843. II. Îles suédoises de Saint-Barthélemy » dans Annales maritimes et coloniales. Revue Coloniale, Paris, 28e année - 3e série - Partie non officielle - tome III, Imprimerie Royale, p. 540-543.

p. 692-695 ANNALES MARITIMES. PARTIE NON OFFICIELLE.

§ III. Amélioration de la condition des esclaves dans l’île suédoise de Saint-Barthélemy.

La Gazette d'État de Stockholm a publié, le 14 octobre dernier, dans sa partie officielle, le règlement dont nous avons parlé dans la Revue d'octobre, et qui est relatif à l'amélioration de la condition des esclaves à Saint-Barthélemy. Voici les principales dispositions de ce règlement, rendu sous forme d'ordonnance royale; en les relatant, nous devons faire remarquer que la population esclave à laquelle elles s'appliquent ne comprend qu'environ 600 individus.

... Ordonnance de Sa Majesté le Roi de Suède et de Norvège, relative à l'amélioration de la condition des esclaves à Saint-Barthélemy.

Source : 1843. [Fr] ANONYME. « N°23. Traite des Noirs. - Esclavage - Émancipation. - Revue de novembre 1843. § III. Amélioration de la condition des esclaves dans l'île suédoise de Saint-Barthélemy » dans Annales maritimes et coloniales. Revue Coloniale, Paris, 28e année - 3e série - Partie non officielle - tome III, Imprimerie Royale, p. 692-695.

Bibliographie (abolition de l'esclavage & Saint-Barthélemy)

  • 2008. [Fr] COMITÉ DE LIAISON ET D'APPLICATION DES SOURCES HISTORIQUES. Histoire de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy, île de Nantes.
  • 2007. [Sv] SCHIBBYE, Martin. Svensk handel med slavar 1784-1847 - Varför infördes och avskaffades slaveriet på den svenska kolonin S:t Barthélemy [Le commerce suédois d'esclaves, 1784-1847 - Pourquoi l'esclavage a t-il été introduit et aboli dans la colonie suédoise de Saint-Barthélemy], Stockholms universitet, Ekonomisk-Historiska institutionen, Magisteruppsats [Mémoire de maîtrise], 88 p. Édition en ligne.
  • 1996. [Sv] BARCK, Mårten et Tobias BORGSTRÖM. Redaktör Bergstedts dilemma. En studie av abolitionism och anti-abolitionism i The Report of Saint-Bartholomew 1804-05 [Le dilemne de l'éditeur Bergstedt. Une étude sur l'abolitionisme et l'anti-abolitionisme dans The Report of Saint-Bartholomew 1804-05], Stockholms universitet, B-uppsats i journalistik [Essai en journalisme], 76 p.
  • 1994. [Sv] BORGSTRÖM, Tobias. Angående avskaffandet av slaveriet på S:t Barthélemy. Analysis av en svensk riksdagdebatt [À propos de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélemy. Analyse d'un débat parlementaire suédois], Stockholms universitet, Uppsats i statsvetenskap [Essai en sciences politique], 32 p.
  • 1993. [En] MAYER, Francine M. et Carolyn E. FICK. « Before and After Emancipation : Slaves and Free Colored of Saint Barthélemy (French West Indies), in the 19th Century [Avant et après l'Emancipation : esclaves et libres de couleur de Saint-Barthélemy (Antilles françaises), au XIXe siècle] » dans Scandinavian Journal of History, Jyväskylä (Finlande), vol. 18, no 4, p. 251-274.
  • 1992. [En] MAYER, Francine M. et Carolyn E. FICK. « Slavery, Slave Emancipation and Social Reorganization in Nineteenth-Century Saint-Barthélemy, French West Indies [Esclavage, émancipation et réorganisation sociale au XIXe siècle à Saint-Barthélemy, Antilles françaises] » dans Le Peuplement des Amériques, Veracruz, Actes du congrès de l'Union internationale pour l'étude scientifique de la population (UIESP), vol. 1, p. 233-259.
  • 1987. [Fr] GONTHIER, Denis. Abolition de l'esclavage et transformation des ménages de la population rurale de couleur, Île antillaise de Saint-Barthélemy, de 1840 à 1857, Montréal, Université de Montréal, mémoire de maîtrise co-dirigé par Yolande Lavoie et Francine MAYER, 127 p.
  • 1847 (livraison du 10 janvier). [Fr] SCHŒLCHER, Victor. « Abolition de l'esclavage dans l'île suédoise de Saint-Barthélemy » dans Extrait de la revue indépendante, Paris, quatrième édition, Imprimerie Schneider et Langrand, p. 11-15.
  • 1843. [Sv] ALEXANDER, George William, et Benjamin Barron WIFFEN. Tankar om nödvändigheten och pligten af slaveriets omedelbara avskaffande på ön S:t Barthelemy [Pensées sur la nécessité et l'obligation morale de l'abolition immédiate de l'esclavage sur l'île de Saint-Barthélemy], Stockholm, L.J. Hjerta.

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